En ce début de printemps 2020, à défaut pour certains de voir par leurs fenêtres l’éclosion des premiers bourgeons ; nous assistons tous à une floraison inhabituelle de par sa nature et son ampleur.
La floraison de visio-conférences, de tutos en tout genre, de formations à distance, de vidéos plus ou moins drôles, plus ou moins pertinentes et de toutes sortes de live, sur toutes sortes de plateformes digitales.
La majorité d’entre nous vit un changement de rythme radical, conséquence directe de l’impact de la crise sanitaire sur nos activités professionnelles et personnelles. Une fois le coup de massue des débuts derrière nous, une fois les actions nécessaires mises en place, de longues plages blanches sont apparues dans nos agendas…
Il se trouve qu’avant le début du confinement, j’étais déjà depuis quinze jours dans un moment de retrait, loin du tumulte quotidien, loin de la vie sociale, afin de me consacrer pleinement à un temps de réflexion sur la modélisation d’une activité professionnelle riche de sens pour moi.
C’est alors, que pour la première fois de ma vie : le monde ralentissait autour de moi… Etrange sentiment.
Peu à peu, la brume de culpabilité qui s’immisce parfois dans ces moments que je choisis de solitude et d’introspection ; était en train de se lever.
Simultanément, j’ai été submergée par une déferlante d’informations : très vite sont atteint dans la journée, la dizaine d’appels téléphoniques et les 4 invitations « zoom ».
Il suffit d’une heure à l’apparition d’une trentaine de notifications WhatsApp.
J’ai vécu ce que décrit Mona Chollet dans son livre Chez soi en parlant des réseaux sociaux :
« une foule fait irruption dans votre salon ou votre chambre à coucher. Une foule caquetante, claironnante, murmurante ; une foule persifleuse, pensive, révoltée, chahuteuse, euphorique, dubitative, furieuse, hilare. Cela revient un peu à donner une fête permanente et à voir votre chez-vous envahi par une troupe où se mêlent les amis, les visages familiers »…
Je me suis sentie agressée au sein même des quatre murs qui sont censés me protéger. Trop de gens, trop de mots, trop d’écran, trop de data consommées.
Malgré moi, mon temps m’échappait totalement !
Je me suis alors questionnée, sur la raison qui pousse les personnes autour de moi à remplir leur temps disponible, de quantité d’appels et de visio conférences.
Le vide, dans nos agendas nous ferait-il donc, si peur ?
D’où vient cette manie de combler le moindre créneau disponible : d’une activité ? d’une conversation ? d’une action ?
Je me suis aperçue un jour, que je répondais moi-même à cette injonction sociale qui veut qu’une personne qui réussit sa vie soit constamment débordée.
On vous pose la question : « comment vas-tu ? »
Je crois que beaucoup d’entre nous se rassurent en étant surchargés. Et sont rassurés de savoir que les autres aussi le sont.
En occident, nous avons une vision linéaire du temps. Il est chronologique, découpé en séquences dont l’horloge et le calendrier sont les représentations mentales que nous avons construites.
Notre temps est donc quantifiable. Et sa linéarité permet d’anticiper.
Son caractère mesurable couplé à la projection possible dans le futur, ont engendré une volonté de le rentabiliser ! Faire plus en moins de temps !
Cela me fait penser à l’expression que je trouve terrible : « le temps c’est de l’argent » ! Le temps devient une chaîne de production. Et s’il n’est pas production, productif, il est inutile. Perdu, à jamais.
Alors, nous nous acharnons à en faire le plus possible en une journée. Et nous culpabilisons quand nous avons le sentiment de n’avoir rien fait.
« ce qui manque pour pouvoir s’ancrer dans le monde n’est pas seulement l’espace, mais aussi le temps. Pour se laisser dériver entre ses quatre murs, il faut disposer d’une quantité généreuse de temps, cesser de compter les heures et les minutes. Or nous subissons la rigueur d’une discipline horaire impitoyable. De surcroît, nous avons intégré l’idée que notre temps était une denrée inerte et uniforme qu’il s’agissait de remplir, de valoriser et de rentabiliser, ce qui nous maintient sur un qui-vive permanent, la culpabilité en embuscade. » Mona Chollet, Chez soi
Moi aussi, je suis ébranlée par la vitesse du mouvement perpétuel qui semble inhérent à notre société humaine. Et qui est pourtant si violent à nos corps et à nos âmes. A cela s’ajoute la subtilité perverse entre le temps horaire et le temps psychologique.
Vous savez, le temps psychologique ? La façon dont nous ressentons le temps qui passe ! C’est à dire subjective et donc très variable en fonction des situations vécues.
Notre appréhension sociétale du temps linéaire, artificielle et abstraite nous déconnecte de notre corps et de notre environnement.
La nature, elle, est fidèle à son rythme.
Il suffit de se rendre en forêt, sur la rive d’un lac ou d’arpenter un chemin pentu de montagne pour s’apercevoir que le rythme de la nature est tout autre. De l’aurore au crépuscule, de l’hiver à l’été, le rythme du vivant est cyclique.
Le loup, blessé à la patte, s’isole dans un coin sécurisant. Il va dormir jour et nuit. Il dormira le temps nécessaire à sa guérison. Les jours passent et même si la faim le tiraille, il ne bougera pas à l’apparition de cette biche toute proche. Il n’en fera rien, car il sait. Il sait qu’il doit être complètement rétabli pour ne pas risquer sa vie dans une attaque aux chances de réussite minimes.
Le loup sait que prendre son temps est une question de survie.
Malgré nos technologies de pointes plus perfectionnée jour après jour, il nous faut toujours 9 mois pour mettre au monde, un nouvel être humain. A qui il faudra encore plusieurs années pour devenir autonome, acquérir la liberté de se mouvoir et le pouvoir de communiquer.
L’humanité s’ancre dans cette lenteur du temps.
Cette lenteur, qui féconde en nous une capacité de perception unique.
Cette lenteur qui fait naître l’inspiration.
Cette lenteur qui affûte notre écoute et notre observation.
Ecoute de soi. Ecoute de l’autre. Ressentir. Respirer.
Prendre son temps est vital.
Et je dois bien reconnaître que les journées où je fais le choix de ne rien mettre dans mon temps libre, sont d’une qualité exceptionnelle ! Ce temps est bien plus précieux à mon équilibre, à ma santé et à ma joie que celui qui est trop pleins de tout.
Si « la clé du bonheur, c’est d’être maître de son temps [] alors ce monde compte peu d’heureux. Une longue période — ne parlons même pas d’une vie entière — qu’on est libre d’occuper à sa guise et au cours de laquelle, délivré de toute contrainte, on peut suivre son propre rythme : ce luxe suprême, hormis les rentiers, bien peu de gens y ont accès, du moins pas avant la retraite. Dans nos existences, il représente un au-delà à peine imaginable. En 1794, Xavier de Maistre avait pu s’offrir son « voyage autour de sa chambre » parce que, officier de garnison en Italie, il avait été confiné chez lui durant quarante-deux jours pour s’être battu en duel. Une sanction qui, à ses yeux, était loin d’en être une : « Ils m’ont défendu de parcourir une ville, un point ; mais ils m’ont laissé l’univers entier : l’immensité et l’éternité sont à mes ordres. » Aujourd’hui, de telles circonstances sont néanmoins assez improbables. »
Etonnant extrait, n’est-ce pas ? publié par Mona Chollet en 2015.
Je crois donc qu’aujourd’hui plus que jamais auparavant, l’univers nous invite à reconsidérer notre rapport au temps.
Ce bien précieux qui n’est jamais rattrapable quoi que nous en fassions.
Si pour une fois, nous arrêtions de fuir le vide de nos agendas ?
Si nous plongions dedans, tête la première ?
Nous pourrions surement y découvrir de nombreux trésors !
Nous pourrions NOUS AUTORISER A ETRE tout simplement.
Plutôt que de faire constamment.
Pour conclure, je pourrais vous inviter à vous asseoir et à respirer. Vous sentir vivants tout simplement. Il y a pléthores de méditations disponibles en ligne en ce moment pour vous y aider. Allez-y !
Mais je pense à ceux qui angoissent déjà à l’idée de ne rien faire. J’ai donc envie de vous proposer pour initier un ralentissement choisi et bénéfique :
Ces deux sources d’inspirations abordent les sujets de la patience, de l’attente, de l’être sans le faire et sans le vouloir ; à travers l’observation silencieuse de la nature et du vivant.
Comme dit Nelly Pons dans son livre Choisir de ralentir :
« c’est en prenant son temps qu’on l’occupe de la manière la plus sereine, durable et pertinente qui soit. Et que l’on se sent vivre, vraiment. ”
Le temps est cet espace dans lequel se déploie notre souffle. Notre vie. La vie.
Pour aller plus loin :
Des inspirations MIEUX VIVRE L’ESSENTIEL, c’est ici : https://www.facebook.com/groups/217600669559920/?ref=bookmarks
Pour des instants poétiques dans le quotidien c'est ici
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