Hypersensible ? Et alors ?

« Tu exagères ! » est une phrase qui me cisaille.

Tant entendue dans la bouche des adultes lorsque j’étais enfant.

Parfois même encore aujourd’hui.

Ces quelques mots sont d’une puissance inouïe. Ils nient totalement ma capacité à ressentir les choses différemment. Tel un juge implacable, le.la propriétaire de cette phrase nie l’intensité de mes sensations, de mes émotions, de mes ressentis.

Car si j’exagère, je dois alors me contraindre, me contorsionner pour rentrer dans la norme, dans le périmètre de ce qui est permis et acceptable.

Quand une personne prononce ces mots, j’entends qu’elle n’appréhende pas qui je suis vraiment. Qu’elle refuse l’existence d’une part de moi. Cette part qui lui semble inappropriée, qu’elle préfère ne pas voir.

Ces mots interdisent à la partie hypersensible de mon être, d’exister.

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Etre hypersensible pour moi, c’est ressentir tout un tas de choses dans mon corps.

Je perçois des transformations physiologiques qui pour beaucoup sont inconscientes.

Pendant longtemps toutes ses perceptions m’alertaient. Considérées comme « ne pouvant exister », chacune d’elle était perçue comme le signal de quelque chose qui ne tourne pas rond en moi. Soit je l’ignorais, soit j’imaginais le pire.

Personne ne m’a jamais dit ce que j’ai fini par comprendre : sauf cas très exceptionnel, tout ce que je perçois est simplement la preuve que mon corps fonctionne !

Qu’il est en vie !

J’ai appris avec les années à accueillir les sensations mécaniques et physiologiques de mon organisme humain. Mes hormones régissent en grande partie mon niveau d’énergie disponible. Et les sensations mouvantes dans mon corps m’indiquent où j’en suis de mon cycle hormonal. Je détecte les odeurs bien avant les gens qui m’entourent, atteignant souvent mon seuil maximum de tolérance alors que l’effluve leur arrive à peine aux narines. Une goutte de parfum dans mon propre cou peut m’être désagréable car présente à mon odorat toute la journée. Une cigarette fumée à côté de moi me laisse son odeur et une sensation âpre dans la gorge pour plusieurs heures. Un changement de lessive sans que j’en sois informée, ma peau le ressent.

Je connais le circuit et localise les boucles de mon intestin tant je peux suivre le cheminement de ce que je mange. Alors malgré le scepticisme de ma gastroentérologue quant à la finesse de mes perceptions, quand je découvre mon intestin en 3D à l’occasion d’un examen médical, cela confirme le lien de cause à effet entre sa géographie et les sensations dans certaines zones de mon ventre. Le chirurgien qui m’a opéré les oreilles lorsque j’avais 16 ans, m’avait affirmé très sûr de lui, qu’en une année maximum je ne ressentirais plus ni douleurs ni sensations bizarres liées aux terminaisons nerveuses qui avaient été coupées. Cela a pris 10 ans pour que mes oreilles puissent être touchées sans douleur et c’est une partie du corps qui reste sensible aux chocs.

Mon organisme est aussi une extraordinaire interface de communication avec mon environnement.

Assise dans mon salon, je ressens les micro vibrations des véhicules qui passent dans la rue en contre-bas. Il suffit d’un degré de différence pour que je frissonne. Il est souvent arrivé que je sois prise de vertiges inopinément. Je sais maintenant qu’une ligne à haute tension est alors pas loin. Une nuit peu reposante et je m’aperçois au matin que j’ai oublié d’éteindre le wifi ou mon portable. Le bruit est difficilement supportable particulièrement s’il est répétitif. Il s’immisce dans ma tête puis dans tout mon corps et peut m’empêcher de penser.

Sur de longues périodes, je suis sensible à la qualité de la lumière. Mon père aurait aimé que je pilote des avions comme lui et me voyait hôtesse de l’air en guise de job étudiant. Mais l’environnement des coques de plastique aseptisées, néons blancs glacial, bruits sourds et vibrations en continu me sont hostiles et génèrent en moi des perceptions que je peux supporter le temps d’un trajet ponctuel. Pas sur du long terme.

J’ai même fait une découverte stupéfiante : je perçois l’énergie des lieux.

Jusque-là, j’acceptais facilement l’idée de sentir l’énergie des gens et j’ai appris à naviguer socialement avec cette capacité. Mais l’énergie des lieux ! C’est un ami géobiologue qui a mis des faits concrets sur mes ressentis lorsque je lui partagea qu’à certains endroits très précis de mon nouveau domicile, je ressentais des changements dans mon corps. Nous avons découvert que je percevais certaines variations dans la composante de la croute terrestre : présence de cours d’eau sous-terrain, de métaux dans le sol. Mon corps m’informe des colonnes d’énergies positives et négatives qui proviennent de la nature du sol sous mes pieds.

Alors il m’arrive de ne pas pouvoir rester dans un lieu tellement je m’y sens mal instantanément, tandis que d’autres me seront régénérants ou apaisants.

Cette sensibilité exacerbée, il me semble l’avoir toujours vécue.

Cependant pour l’enfant que j’étais, cela représentait un danger.

J’ai probablement vite compris que pour survivre, il me fallait me protéger des agressions de l’extérieur même si celles-ci ne sont que verbales, cris et injonctions autoritaires. Ma présence pouvait gêner, mon activité ne pas être la « bonne », mes paroles agacer. Il n’y avait pas de place pour mes ressentis si puissants qu’ils en étaient insupportables.

J’ai l’intuition que l’enfant que j’étais a déployé toutes ses forces à augmenter considérablement ses seuils de tolérance. Tentative pour me rendre le quotidien vivable malgré mon hypersensibilité.

Mes profondes métamorphoses ces dernières années m’ont réconciliée avec cette capacité à ressentir plus intensément et plus longtemps que la grande majorité de la population.

Vous n’êtes pas obligés de me croire.

Peut-être ne ressentez-vous rien de ce que j’exprime.

Vous avez évidemment le droit de penser « elle exagère ! ».

Néanmoins s’il vous plait, la prochaine fois que vous vous entendez dire à quelqu’un « tu exagères », demandez-vous qui vous êtes pour juger de ce que l’autre devrait ressentir.

Avec toute ma gratitude.

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