Je me suis aperçue récemment que mes motivations à voyager seule étaient souvent bien différentes de celles des autres voyageuses solos. Différentes en tout cas de nombreuses voyageuses solos que j’ai eu l’occasion de rencontrer, d’interviewer, de questionner, sur leurs démarches et leurs expériences.
Bien souvent les motivations récurrentes sont : la rencontre avec l’autre, la découverte d’une nouvelle culture et de traditions éloignées de la nôtre. Autrement dit, la richesse des relations humaines au sens large. Certaines voyageuses prennent la décision de partir en solo pour des questions plus pragmatiques : ne pas s’empêcher de voyager même si personne n’est disponible pour partir ensemble, ne pas annuler un voyage après le désistement de son.sa compagnon.e de route ou encore ne pas subir les concessions inhérentes au voyage à plusieurs.
Malgré mes différents sondages réalisés auprès des voyageuses solos, malgré mon écoute de plusieurs dizaines d’expériences aussi variées les unes que les autres ; je n’ai encore jamais rencontré une voyageuse qui m’a dit « Je pars seule pour être seule ».
Ce qui me donne le sentiment d’être bien seule…
Seule dans cette volonté de partir à la rencontre de la solitude.
Et pourtant à la question : « quelles sont tes motivations à voyager en solo ? » la réponse à 61% est : faire un break pour réfléchir, prendre soin de moi et changer d’air ; devant s’ouvrir aux autres et à la rencontre.
[ Sondage web réalisé fin 2018 / 115 réponses / infographie du sondage disponible sur la page facebook : https://www.facebook.com/pg/etrefemme.voyagerensolo/posts/?ref=page_internal ]
Ce sondage a aussi mis en évidence que la peur de la solitude arrive à égalité avec la peur de l’insécurité dans les freins au voyage solo pour les femmes (qui ont répondu évidemment !).
Je me suis donc décidée à mettre des mots sur les pensées furtives et émotions profondes qui me poussent à rechercher la solitude à travers le voyage. Qu’il s’agisse de me retirer 3 jours dans une cabane sur le plateau du Cézallier, de naviguer dans les fjords norvégiens ou de deux mois d’itinérance en Alaska,
# Pour tenter de découvrir ce qu’il reste quand je retire « costume & masque »
Être seule, dans un environnement inconnu et qui donc ne me connait pas ; c’est la possibilité de se réinventer. Je laisse chez moi qui je suis dans la société : mon métier, mon statut social, la ville où je vis, mon quartier et la définition que chacun se fait de ses habitants (et donc de moi par ricochet), les habitudes qui rythment mon quotidien, mon âge et ce que cela induit dans la société à laquelle j’appartiens.
Le regard d’un proche qui me connait et se fait une idée très précise de moi — plus ou moins éloignée de ma réalité — impacte mon comportement et me leste du plomb de ce quotidien trop connu. Comment découvrir qui je suis intrinsèquement, en étant constamment ramenée à « qui je suis » dans les yeux de l’autre : ce proche qui croit si bien me connaitre ?
J’aimerais même parfois laisser mon genre chez moi — être femme — pour expérimenter le monde sans les étiquettes et croyances liées. Lors du départ, j’ai le sentiment de me défaire de toutes ces informations qui façonnent ma personne dans le regard de l’autre.
Il est alors possible de se réinventer et de vivre ma vie rêvée. Sans complexe et en toute liberté.
Se révèlent à moi mes goûts, mes talents, mes capacités et mes limites. Émergent de la brume mes croyances et les « drivers » qui me guident, me permettant d’opérer un choix : ce que je garde et ce dont je me défais…
Être seule face au monde me permet de lâcher tout ce qui peut l’être.
Cette quête de quitter mon costume et de faire tomber mes masques (j’ose croire que nous en avons plusieurs) est motivée par ma curiosité. Que reste-t’il de nos relations humaines lorsque je me déshabille ? au sens figuré bien entendue ! Qu’ai-je à offrir ? Quelle est mon essence ? Quelle est ma singularité ? Comment me présenter à l’autre lorsque je n’ai plus ni âge, ni métier, ni place dans la société telle que nous l’avons structurée ?
J’ai envie d’expérimenter l’invitation de Fanny Auger, amoureuse de l’art de la conversation : remplacer les traditionnels “que faites-vous dans la vie ?” ou “comment allez-vous ?” par “qu’est-ce-qui vous fait vibrer en ce moment ?” ou encore “ Pourquoi vous levez-vous le matin ? ”.
…
Et si cette quête n’était qu’illusion ?!
Une illusion transpercée froidement par la réalité à chaque nouvelle rencontre, à chaque nouvelle relation. Il est évident que je n’échappe pas à l’image que les gens que je rencontre en voyage se font de moi. Selon leurs croyances, leurs cultures, leur genre, leur chemin de vie, leur ouverture d’esprit ou leur intolérance ; je suis dans leurs yeux tour à tour : une aventurière expérimentée, une personne tout à fait ordinaire, une nana paumée et un peu fêlée, une femme aux mœurs légères en quête d’un homme riche (si je vous assure… !) , une personne courageuse ou inspirante pour leurs enfants, riche comme crésus ou misérablement pauvre, le poil à gratter qui révèle leurs rêves non réalisés, ou encore le plus souvent je crois, une grande incompréhension.
C’est parfait ainsi. Ce qu’ils pensent de moi, c’est eux que cela regarde.
En partant seule, je provoque mon occasion. Celle de prendre les décisions en fonction de moi. De moi seule. En étant attentive à mes ressentis, à mes sens et à mon intuition. Les laisser me guider et faire fi de ce que l’on attend de moi. Faire fi de la norme et de ce qui fait sens pour les autres, de ce qui les rassure ou les conforte dans leurs choix.
# Pour apprivoiser mon ego
Partir seule est une tentative de me défaire de l’image que l’on a de moi mais aussi de l’image que j’ai de moi. Eloigner mon ego qui gouverne trop souvent mes décisions, mes actes et mon quotidien. Le tenir à bonne distance pour l’observer. L’observer pour le comprendre. Comprendre son fonctionnement pour déjouer ses tours et accéder à mon être essentiel. Lever le voile sur mes aspirations profondes. Celles qui ne plaisent pas toujours à mon mental. Celles qui ne répondent pas toujours à l’image que je me fais de moi.
Dans l’acte même de voyager en solo, répondre à mes besoins et envies plutôt qu’à l’image que j’ai de moi est déjà apprenant. Cela a commencé par lâcher l’image de l’aventurière, de la « bagpackeuse » à laquelle mon ego voulait s’identifier en troquant le gros sac à dos trop lourd pour mon dos (qui restera donc au magasin !) à la formule « petit sac à roulettes ». Certes, c’est moins sexy, moins roots et certains se diront peut-être « oh la touriste ! ». Mais au fond de moi je sais que « la barbe ne fait pas le philosophe » et que mon sac à roulettes ne me rend pas moins audacieuse qu’un énorme sac à dos difficile à soulever !
# Pour changer le monde (rien que ça…)
Partir seule en voyage, c’est aussi poser un acte militant — presque politique — en étant moi-même le monde tel que j’ai envie de le vivre, tel que j’ai envie qu’il soit. Un monde où les femmes ne sont pas perçues comme étant plus vulnérables ou moins capables que les hommes. Un monde ou le sexisme ordinaire n’existe pas. Un monde où quelque soit le genre, l’exploration de notre singularité et la quête de soi sont encouragées.
# Pour revenir à l’essentiel
Voyager seule est aussi pour moi le moyen de m’alléger du superflu dans ma vie en identifiant MES essentiels.
Limiter le poids et l’encombrement de mes bagages pour davantage de confort et de mobilité, m’a ouvert les portes du minimalisme. Quel soulagement de libérer mon environnement de tous ces objets qui ne sont pertinents que dans les spots publicitaires !
Effet secondaire inattendu du centrage sur MES essentiels : un tri plus subtil s’est opéré. Celui des relations sociales. Apprendre à ne conserver que l’essentiel amène à reconsidérer les relations entretenues. Sont-elles positives ? Enthousiasmantes ? Bienveillantes et tolérantes ? Nourrissantes ? Mutuelles ? J’ai toujours préféré la qualité à la quantité. C’est ainsi. Alors j’ai décidé de ne plus allouer d’énergies aux relations qui ne répondaient pas positivement à ces questions. Je savoure encore davantage la préciosité de celles qui perdurent malgré le temps, l’irrégularité des contacts, la distance et les aléas de nos vies. Elles sont un trésor !
Le voyage itinérant en solitaire engendre aussi d’autres questions essentielles : où dormir ce soir ? comment m’abriter d’une météo pas toujours conciliante ? quel est le bon chemin à ce croisement ? quelle décision prendre pour ma sécurité ? comment dialoguer avec mes semblables dont je ne partage ni la langue ni les coutumes ?
Me nourrir. M’abriter. Assurer ma survie. Observer. Communiquer. Autant de sujets qui font la vie et me reconnectent à l’essence même de mon humanité.
Cela me rappelle aussi la chance inouïe que j’ai au quotidien de ne manquer de rien !
# Pour m’émerveiller !
« Le monde ne mourra pas par manque de merveilles, mais par manque d’émerveillement. » Vincent Munier
Je vis l’émerveillement comme un état de grâce, une sorte de moment d’extase. Un instant de bonheur suspendu. Une absolue connexion avec la source de mon émerveillement. Une absolue connexion avec la Vie.
Être seule est pour moi la meilleure façon de me connecter profondément à ce qui m’entoure. Tisser ce lien invisible entre le paysage et moi. Entre la Nature et moi. Le seul moyen de me mettre au diapason du lieu. Il me faut m’affranchir du regard et du lien à l’autre, indéfectible de sa présence, pour apaiser mon mental, éloigner mon égo. En solitaire, mes sens sont pleinement disponibles et plus sensibles aux sensations provoquées par les éléments. Aussi étrange que cela puisse vous paraître, il m’est alors possible de me sentir en connexion avec le vent, l’eau, les arbres, la montagne, les animaux.
La communication avec la Nature ne se fait pas sur le même plan que les relations humaines. Un dialogue intérieur se créé sur un autre plan. Plus subtil. Invisible.
La présence d’une personne à mes côtés brouille cet échange. Elle agit sur moi comme une distraction. Elle me fait passer à côté d’une partie de cette communication. Être à deux m’ouvre à une autre dimension non moins enrichissante mais de nature différente : celle du partage. [Que je ne détaillerais pas ici.] En présence d’un.e autre, un lien invisible se créé automatiquement. Quoi que nous fassions, quoi qu’il arrive, nous sommes lié.e.s à chaque seconde du voyage.
La présence d’un autre humain interfère avec le flux d’énergie entre l’environnement et moi. Son souffle, ses bruits et ses propres pensées vont modifier le champ énergétique autour de nous. La présence de l’autre altère l’énergie, dans le sens de la modifier. Il ne s’agit pas pour moi de juger la nature positive ou négative de cette altération. Simplement de poser un fait : l’énergie du lieu sera différente. C’est quantique.
Même si je m’accorde une escapade de plusieurs heures en solitaire lors d’un voyage à deux, ce filigrane avec l’autre reste présent. Mon mental est alors distrait par davantage de pensées liées à sa présence « elle doit en avoir marre de m’attendre — tient il va voir là-bas — je ne dois pas être trop longue, elle m’attend — il faudra que je lui raconte ça ! — Je ne lui ai pas dit que j’allais là — Je n’ai plus le temps, il est déjà l’heure de se retrouver ». Soyons clair et sincère : cette agitation mentale est belle et bien produite par moi ! Elle n’est pas de la responsabilité de la personne qui m’accompagne.
La présence de l’autre induit chez moi des contraintes spatio-temporelles qui n’existent pas lorsque je suis seule. Ou si peu…
Voyager à plusieurs, c’est pour moi accepter d’être interrompue dans ma contemplation, dans mes réflexions.
À tout moment.
Sans coup férir.
Cela limite ma capacité à lâcher-prise. Cette ouverture en totale confiance, cet accueil pleinement conscient des éléments extérieurs, je ne l’atteins pas en présence d’un.e autre. Probablement que cela me permet de me protéger. Protéger mon intérieur. Protéger mon identité profonde des assauts de l’autre qui est différent et n’entend pas le monde tel que moi. Je crois que c’est particulièrement valable lorsque cet autre est une personne proche. Sa présence rendra mon équilibre profond plus fragile qu’une personne que je connais à peine. Conséquence de l’intensité du lien qui nous relie ?!…
# Pour entendre mon intuition
Pour écouter et suivre mon intuition, il faut que je sois disposée à l’entendre.
La solitude est le moyen le plus extraordinaire pour entrer en intimité avec soi-même. Suzanne Tamaro
Calmer mes pensées. Apaiser mon mental. Faire silence. Faire repos. Relâcher les tensions. Lâcher les attentes. Lâcher les objectifs. Accepter. Être.
Alors je vois les signes les plus subtils dans mon environnement. Alors je sens l’invisible et comprends l’indicible. Alors je ressens ce qui est et ce qui va être. Alors j’entends la voix de mon âme.
La solitude n’est pas l’absence de compagnie, mais le moment où notre âme est libre de converser avec nous et de nous aider à décider de nos vies. Paulo Coelho
Mon intuition devient un canal bien plus puissant dans ces moments de découverte du monde en solitaire.
# Pour sentir que je fais partie d’un TOUT bien plus grand que moi
« Le plus gros mensonge de notre monde moderne, croire que l’on peut s’extraire de la nature. » Kim Pashe
Seule, se produit la sensation magique d’être happée par le lieu. Avoir la sensation d’en faire partie intégrante. Me fondre en lui. Une émotion profonde m’envahie. Celle de me sentir enfin à ma place. La place d’un être vivant parmi tant d’autres.
L’émotion d’être un fragment d’un tout au même titre qu’un brin d’herbe, qu’un rocher, qu’un ours. Être la VIE.
Sensation de toucher du doigt l’essentiel.
Vous avez à présent peut-être envie de me dire : quid de la rencontre avec l’autre ? Quid du lien universel qui relie les humain.es entre eux ? Quid des richesses du partage et de l’échange ?
Je crois sincèrement que pour être capable de rencontrer l’autre, de lui transmettre mon énergie, de lui offrir mon authenticité, de l’accepter tel qu’il est ; il me faut savoir qui je suis. Comment puis-je me présenter dans mon entièreté et ma singularité si je ne me connais pas ?
Or, notre système sociétal et éducatif ne m’a pas permis de trouver cela. Ou plutôt, me l’a fait oublier. Je pars explorer le territoire de la solitude, en quête de mon essence. Me connecter à moi-même pour mieux me relier à l’autre. Et le voyage solo est un des moyens que j’ai choisis.
Le voyage et la solitude ont le point commun d’être de grands alchimistes. Ils transforment profondément la nature de l’être et me rapproche chaque fois un peu plus de qui je suis.
Pour aller plus loin...
Des inspirations MIEUX VIVRE L’ESSENTIEL, c’est ici : https://www.facebook.com/groups/217600669559920/?ref=bookmarks
Pour rejoindre la communauté WOMEN SOLO TRAVELERS @etrefemme.voyagerensolo https://www.facebook.com/etrefemme.voyagerensolo/?ref=bookmarks
Photographies de mes instants d'émerveillement en voyage ou au quotidien, sur intagram : https://www.instagram.com/anais_life_experiences/?hl=fr
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