D’entreprendre un business à entreprendre de VIVRE : ce que 18 années d’entreprenariat m’ont appris

Printemps 2019. Je suis dans un bureau, en tête à tête avec une jeune étudiante. Nous échangeons sur notre association possible pour lancer une application mobile qui vise à encourager les femmes à oser voyager en solo. Ce projet est une évidence depuis mon retour d’exploration solitaire en Alaska. Nous sommes réunies par les mêmes motivations, la même intention. Lorsqu’elle me dit avec vigueur et sourire :

« Dans 1 an, je veux être implantée sur tous les continents et employer des centaines de personnes ! »

… tout bascule pour moi !

Fin de réunion, je rentre en marchant sous le soleil. Quel est ce nœud ? Cette sensation désagréable au fond de moi ? Que se passe-t’il en moi ? Ai-je vraiment envie de ça ? Co-diriger une entreprise internationale ? Courir de levées de fonds en salons internationaux ? Pitcher des centaines de fois le même projet ? Manager des humain.e.s à coup de visio, slack & co ? Répondre aux attentes des investisseurs ? Satisfaire coûte que coûte les utilisatrices ?

Et moi... dans tout ça ?

 

Ce nœud au plexus se défait instantanément lorsque je trouve la réponse. OUI je crois que ça a été mon ambition. Faire prospérer une entreprise pour qu’elle devienne assez importante pour rivaliser avec mes potentiels employeurs. Une façon de justifier que je refuse de candidater à des postes bien rémunérés dans de grosses firmes du CAC40. Incompréhensible pour d’autres que de refuser la sécurité de l’emploi et le montant du salaire. Sacrifice trop grand pour moi. Je préfère me construire moi-même ma prison dorée du travail plutôt que de donner ce pouvoir à un.e autre. Peut-être que je savais qu’avec un peu de chance, je trouverai où j’en avais caché la clé ?!

Alors si j’avais eu 8 ans de moins, toute fraiche diplômée; j’aurai dit un grand OUI des étoiles pleins les yeux à cette idée !!!

Entre-temps, je me suis profondément transformée.

 

Je suis passée d’une créative qui s’exprime à travers des objets qu’elle imagine et expose en galerie à une architecte d’intérieur concevant l’invisible de l’espace : leur empreinte sensorielle®. Tout ce qui fait le vécu d’un lieu et qui est absent des méthodes de conception architecturales. Je ne savais pas encore que j’utilisais les capacités sensorielles extrapolées par mon hypersensibilité. J’avais conçu une méthode qui permettait de diagnostiquer et de concevoir tout ce qui constituait les perceptions sensibles que l’être humain capte dans un lieu, un environnement, consciemment ou non.  

Puis j’ai vogué. Au fil de ma curiosité et de mon goût pour l’apprentissage et les sorties de zone de confort. J’ai appris et exercé de nouveaux métiers ; me réinventant chaque fois dans ma façon d’exercer. J’ai touché mes limites. J'ai touché les limites d’un business qui ne reposait que sur moi : mon image, ma personne, mon nom ; malgré la présence d’une équipe allant jusqu’à 5 personnes.

 

Alors j’ai entrepris de trouver des idées de business qui peuvent fonctionner sans moi. J’en ai développé et prototypé plusieurs. Je me suis confrontée à de nombreuses reprises au business model, au business plan, au pitch, à l’identification des parties prenantes. Le brainstorming a toujours été mon meilleur ami. J’ai prototypé, j’ai interviewé des usagers, j’ai organisé des sessions de codev, je me suis formée, je me suis bien entourée, j’ai été mentoré. J’ai validé l’idée, le marché, définit le plan d’actions. J’ai envisagé de créer une franchise, d'avoir un foodtruck et d'embaucher un développeur, de lever des fonds, d’être labellisée « french tech »…

Je me suis enthousiasmée, amusée, creusée la cervelle et puis… j’ai tout arrêté !

A chaque projet, arrivée là, je m’arrêtais.

Parce-que je sentais dans mon ventre, que ce n’était pas ça que je voulais faire de ma vie. Même si pour mon mental tout était clair, carré, efficace, rassurant. L’évidence de consacrer la majorité de mon temps à développer telle ou telle activité, pour engranger de l’argent pour vivre, ne me semblait plus si évidente.

 

Et si j’inversais l’équation ?

Si le travail n’était plus le réceptacle et le prétexte à ma vie ?

Et si je vivais… avant de travailler ?

 


 

Voici ce que 18 années d’entreprenariat m’ont appris et n'engage que moi :

 

  • J’ai découvert que partir d’un besoin utilisateurs/usagers (ce qui est un peu LA spécialité d’un bon designer !), même s’il permet de résoudre une problématique et de se sentir utile un temps ; ne garantit pas de répondre aux aspirations profondes de l’entrepreneur, l’être humain. C’est un peu comme attendre de son/sa conjoint.e qu’il.elle comble le vide en nous, complète nos manques ou répare nos blessures.

Chercher à l’extérieur le sens de notre vie est probablement plus précaire que de le chercher en nous.

 

  • J’ai découvert que parmi les nombreuses façons d’entreprendre, il y avait tout de même un socle de croyances bien ancrées chez une majorité d’entre nous et prônées par les magazines, les incubateurs, les réseaux, les conseillers en tout genre. Lesquelles ?

Que pour réussir, l’entrepreneur.e ne doit pas compter ses heures, ne pas avoir peur de passer sa vie au bureau, avoir un agenda toujours plein à craquer, si possible courir après le temps et être constamment en action, faire passer son travail avant le reste, devenir toujours plus performant, réussir toujours plus…

 

  • J’ai découvert que j’avais les clients que je mérite. Et ça, ça a vraiment tout changé ! Parce que quand je prends conscience que je suis au moins à 50% responsable, je peux décider des relations professionnelles que je veux vivre et refuser celles qui ne me conviennent pas. Alors j’attire à moi les bonnes personnes. Celles qui ont autant envie de collaborer avec moi que j’ai envie de travailler avec eux.

Une réciprocité d’attention et d’énergie qui se ressent considérablement sur le chiffre d’affaires et le bien-être de l’entrepreneure que je suis. Et probablement des clients aussi. A l’époque en quelques mois, la bascule fut spectaculaire !

 

  • J’ai découvert que les apparences sont souvent trompeuses et que la visibilité médiatique d’une personne ou d’une entreprise ne disait rien, ni de la qualité de son travail ni de son réel succès auprès de sa clientèle. On est en 2015 et j'ai vu l'envers du décors des métiers créatifs. Je décide qu'à choisir je préfère avoir une clientèle régulière et satisfaite de mon travail que de faire la une des magazines tendances. 

Je prends conscience que la presse et les mondanités nourrissent mon ego sans réel bénéfice. Je préfère consacrer cette énergie à trouver les clients qui me correspondent. Ceux que je peux vraiment aider, qui apprécient ma façon de faire et qui paieront le juste prix pour cela.

 

  •  J’ai découvert que la valeur travail brandit en flambeau et le perfectionnisme offraient la voie royale au burn-out. Pourtant, j’avais bien vécu des alertes pendant ma scolarité… mais savez-vous ce qui caractérise le.la perfectionniste ? Il.elle ne fait jamais assez bien et travaille donc toujours plus ; motivé.e par le fantasme d’être parfait.e et la peur de ne pas exister autrement.

J’ai compris qu’en tant qu’entrepreneur.e, si nous nous offrions une grande part de liberté, nous récoltions avec une responsabilité tout aussi grande. Celle de créer le périmètre dans lequel nous nous enfermons inconsciemment. 

  

  • J’ai découvert que travailler pour travailler n’avait aucun sens, si ce n’est celui que nous avons créée en même temps que l’humanité élaborait sa façon de faire société. Travailler pour se nourrir, pour se protéger des intempéries et construire un cocoon de protection pour soi et ses proches, voilà qui me semble avoir un sens indéniable. Mais où est le lien entre travailler pour avoir un emploi et nos besoins essentiels vitaux ? Question encore plus déstabilisante lorsque je pense à toutes ces personnes qui se crèvent à cumuler les petits boulots pour payer avec difficulté un toit et la soupe. Où est passé le sens ? S’épanouir en contribuant à plus que soi ? Être utile à la communauté ? Être reconnu dans son individualité par les liens qui nous unissent aux autres ?

Mais le travail offre-t'il cela à la majorité de travailleurs ? Et n’y a-t’il pas d’autres chemins possibles ? J'ai compris que travailler pour "avoir un job" n'avait plus aucun sens pour moi.

 

  •  J’ai découvert que la vie professionnelle et la vie personnelle ne sont pas les 2 faces d’une même pièce. Les visualisant ainsi, je les appréhendais liées l’une à l’autre mais sans jamais leur permettre de se rencontrer. Sans le savoir, j’avais créé une frontière. Une muraille devenue trop haute pour la franchir.

J’ai ainsi créé une rupture dans mon être. Et pourtant, ne sommes-nous pas justement le rassemblement de toutes les parties de nous que nous éparpillons au fil du temps ?

  

  • J’ai découvert que les décisions mues par mon ego, mon mental n’étaient souvent pas les bonnes sur le long terme ; alors que les décisions mues par mon intuition se révélaient très souvent excellentes ! Même si après coup, il est encore parfois difficile de les expliquer ou de les justifier. Quand mon mental décide, il est sous l’influence de tout ce qui m’entoure et de tout ce que j’ai absorbé d’attentes, de croyances, d’injonctions sociétales. Il se préoccupe de l’image que les autres ont de moi et tente de s’aligner avec l’image qu'il se fait de moi. Il s'attache à me défendre, à me protéger. Il n'aime pas vraiment le changement et manie bien la peur et la flatterie.

C’est ainsi que j’ai compris qu’occulter notre part sensible, nos ressentis, nos émotions, cette petite voix qui murmure profondément en nous ; nous limitait considérablement dans notre épanouissement. 

 

  • J’ai découvert que le corps sait bien avant la raison ce qui est bon ou mauvais pour nous. Et que m’autoriser à l’écouter me donnait accès à mes réels besoins, à mes envies profondes. J’ai expérimenté qu’en m’autorisant le repos et la détente ; je ne devenais pas quelqu’un de moins bien ou de moins performante. C’est même plutôt le contraire !

J’ai appris par l’expérience que plus je prends soin de moi, plus je simplifie mon quotidien et plus je me concentre sur ce qui me fait vibrer; plus je suis créative et impactante dans les temps dédiés !

 

  • J’ai découvert que rien n’existe tant que cela n’a pas été éprouvé dans notre corps et notre âme. Que c’est en traversant les questions, les doutes, en osant tester et donner forme à une ou plusieurs réponses, que nous intégrons en nous les apprentissages et les transformations. Oser donner forme c’est avoir le courage de « tout mettre en branle » sans aucune certitude. Simplement parce que l'on sent que c'est juste à cet instant. C’est s’autoriser à se tromper. Accepter que ce ne soit plus juste demain, sans s'en vouloir.

C’est aussi savoir au plus profond de soi que même si je décide d’arrêter, tout ce qui aura été fait, traversé, contribue à me co-naître un peu mieux. A se comprendre et à comprendre les liens que nous voulons créer avec l’autre, avec le monde.

 

 

  • Et puis… J’ai découvert que j’existais.

Parce-que j’ai cru pendant longtemps que pour exister il fallait s’agiter, faire, produire, construire. Quitte à tourner en rond, je croyais qu’en m’arrêtant.. j’allais disparaître. Je me suis extirpée de mon quotidien pour voir ce qu’il pouvait bien rester de moi. Reste-t’il quelque chose lorsqu’il n’y a plus l’étiquette sociale de l’entrepreneure, l’image de la working girl parisienne, mon âge, mon sexe, mon métier, mon agenda et toutes ses obligations, ma charge mentale et ce que chacun.e attend de moi; moi y compris ?

Il m’a fallu partir loin. Sans savoir vraiment pourquoi autrement que parce-que je le ressentais.

L’immensité des contrées sauvages d’Alaska m’a permise de me confronter à ce vide. Contempler cette beauté sublime qui se suffit à elle-même. Ressentir la petitesse de mon être face aux dangers d’une nature sauvage bien plus grande que nous. Etre là, simplement à l'instant. Sentir ce qui m'entoure, cette nature qui me contient en même temps que j'y participe. M'émerveiller d'être là. Le vide commence à prendre sens.

Seul le vide permet d’accueillir cette beauté, ce mystère, cette magie, cette émotion en nous : être en vie.

 


 

Voilà comment mon équation s’est transformée pour devenir « vivre avant de travailler ».

Qu’est-ce que cela signifie pour moi aujourd’hui ?

 

Être dans mon entièreté. Et construire intuitivement et pas à pas une activité professionnelle qui soit le prolongement de mon être. Une activité professionnelle qui se fonde dans cette danse magique qu’est la Vie. Fluide et joyeuse. Parfois intense, parfois en retrait. Surprenante et créatrice. Nourrissante et contributive. De l’intérieur vers l’extérieur. Inspirée et inspirante. Arpentant des contrées bien plus vastes que les cases d’un business model canvas.

 

Je suis passée d’entreprendre un business à entreprendre de vivre.

Une sacrée différence…

 

 /// Anaïs

 

 

 



 

Complément rédigé suite aux nombreux messages de lecteurs.trices reçus après la publication de cet article.

 

La question qui revient le plus souvent est :

Comment mettre le verbe VIVRE avant celui de TRAVAILLER dans nos sociétés pleinement construites sur le faire et le labeur ?

Apprendre à me connaître, explorer les questions refoulées pendant longtemps, questionner mon rythme de vie et les habitudes ancrées dans mon univers professionnel et personnel, la place du travail dans ma vie, apprivoiser mon perfectionnisme, révéler mon hypersensibilité, me positionner sur la façon dont je souhaite habiter le monde et surtout expérimenter l'être.

J'ai créé l'exploration en ligne VIVRE L'ESSENTIEL sur 6 semaines pour vous amener à explorer 6 thématiques et amorcer une transformation progressive de votre quotidien vers une vie plus douce pour un mieux être.

Je vous accompagne dans cette prise de hauteur par mon approche holistique réunissant : prendre soin de vous, vous relier à la nature et vous ouvrir à l'ETRE.

Découvrir le programme de l'exploration en ligne

Le groupe se constitue en ce moment même pour un départ en exploration début 2021 !  

 

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